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De la dysphorie à l'euphorie, l'autre côté du miroir

Bonjour, Je commence ce message en admettant qu'il dénote des sujets traités ici. Je respecte tout à fait le fait que cet espace est davantage employé pour les sujets en rapport au sexe, mais je désire l'utiliser à ma façon, car après tout, au delà du sexe, nous (trans autant que travs) avons aussi des expériences qui conditionnent l'entièreté de nos vies. Je souhaite écrire ici pour mes soeurs, mais je pense que certains hommes pourraient aussi être curieux de connaître l'envers du décor pour certaines femmes qu'ils convoitent ici. J'ai débuté mon expérience du 3e sexe (désolée si ce terme paraît vexant, j'ai beau être très binaire, cette appellation ne me pose pas de problèmes, je la trouve même un peu charmante) il y a 3 ans. Le travestissement est devenu une réponse pertinente à un problème d'identité de genre que j'avais tut depuis ma jeunesse. C'est devenu une obsession à tel point que chaque soir, une fois rentrée chez moi, j'invoquais ma part féminine et pour lui offrir un écho, je convoquais des hommes dans mon salon. J'ai éloigné beaucoup d'amitiés chères dans ce processus. C'était autant exaltant que ça en devenait aussi décevant. Redevenir l'homme le lendemain matin en allant en boulot, en marchant dans la rue, c'était un crève coeur. J'en venais même à détester les femmes, envieuse que j'étais de leur sort (sans le connaître vraiment). L'euphorie que j'ai connu en me travestissant a progressivement éveillé une dysphorie que je ne m'étais jamais ouvertement connue. Le jour où j'ai pû prononcer mon souhait de ne plus vivre en homme, de préférer cesser de vivre plutôt que de continuer ce petit manège, j'ai réalisé qu'une transition hormonale devenait impérative, question de vie ou de mort. La transition hormonale, ça ne se fait pas en claquant des doigts. J'ai eu de la chance, car à 35 ans, le corps médical ne m'a pas freinée, j'ai rapidement obtenu mon droit au traitement hormonal. Du reste, il s'agit d'attendre. Patienter pendant que les cheveux poussent (les pousses intermédiaires sont peu flatteuses comparé aux perruques que je portais auparavant), patienter qu'un minimum de formes apparaissent, endurer les regards oppressants dans la rue. Puis un beau jour, on ouvre les yeux, on réalise que les hommes s'intéressent à nous, on se dit qu'on est prête à oser sortir en robe (ça a été une étape cruciale, très difficile pour moi à franchir), on ne se sent plus trop illégitime lorsqu'on fréquente les boutiques féminines, on essaye de trouver le juste milieu avec sa voix, on ose pour la première fois aller dans un salon de coiffure pour demander sa première coupe féminine. L'euphorie est revenue avec la soudaineté du boomerang que l'on pensait parti au loin, elle nous revient en pleine face et il faut savoir la réceptionner avec adresse. Pour ma part, je suis toujours en train d'essayer de trouver la façon dont je vais continuer à maîtriser cette euphorie quasi-constante. Je sais que ce n'est pas ici que je trouverai la réponse. Je suis un peu trop sexualisée à mon goût, mais je continue de revenir. Non pas pour l'attention que je reçois des hommes, mais parce que c'est un lieu virtuel où mon existence est normalisée, il n'y a pas de question sur ce que je suis. Bien entendu, nombre d'échanges sont flatteurs et je remercie les hommes qui ont su prendre en compte la personne que je suis et pas seulement ma paire de miches. Par ailleurs, j'ai beaucoup eu recours à l'alcool pour décompenser la déception du rapport aux hommes. On l'a déjà lu sur ce forum, une très grande majorité des hommes ici ne pourront jamais assumer une relation amoureuse et affichée avec une femme trans ; cette majorité est déjà occupée à vivre une relation sérieuse et officielle avec une femme cis. Je ne peux vous le reprocher, la société nous impose un rôle et on doit trouver l'alternative dans l'ombre (pour ma part, c'est dans les bars que je l'ai recherchée activement). L'alcool n'a clairement pas été une réponse adaptée, sans surprise, elle a plus été une brouilleuse de pistes. J'ai atterri plus d'une fois dans un camion de pompiers un peu interloqués de voir ma carte d'identité d'homme particulièrement différente de mon apparence effective. On s'en recolle une peu de temps après pour oublier cette tâche dans notre aventure exaltante. On me dit souvent que je suis courageuse de vivre ma transition de façon assumée. Le vrai courage n'est pas de vivre sous l'identité dont j'ai toujours rêvé, il réside plutôt dans la résilience face aux déconvenues. On espérait devenir une femme comme les autres (on découvre que la drague de rue est un vrai fait et on apprend à devenir vigilante, surtout quand l'homme réalise qu'on n'est pas exactement ce à quoi il s'attendait), une femme qui aura l'attention d'un homme prêt à tomber amoureux sans que cela ne soit qu'en cachette. Le courage est d'avaler la pillule : on n'aura probablement pas ce qu'on a fantasmé autour de ce que ça pourrait être, d'être une femme. Ça ne veut pas dire qu'on est cantonnée au malheur, on a beaucoup de chance de pouvoir exprimer au grand jour qui on est à l'intérieur. On a beaucoup de chance d'en finir avec cette image d'homme avec laquelle on a du composer toute notre vie. Je ne discute pas souvent avec mes consoeurs ici, je dois admettre que je suis précautionneuse car je ne souhaite pas laisser penser qu'une implication sexuelle ou romantique ait lieu. Je suis aussi très précautionneuse des hommes, j'ai beau avoir des envies, je ne m'y laisse pas aller car je ne souhaite vraiment pas multiplier les aventures sans implication émotionnelle. Je continuerai de venir ici, car j'estime qu'il n'existe pas beaucoup d'autres lieux dans la vraie vie dans lesquels ma présence n'est pas une anomalie ou une originalité. Je n'incriminerai pas les hommes qui ignorent la teneur de mon profil (après tout, j'ai 2-3 photos par trop érotiques, je devrais vraiment les enlever), j'espère seulement que mes propos ici (j'espère ne pas avoir l'air trop erratique, c'est difficile d'exprimer tout cela de façon construite et contenue) peuvent aider à y voir plus clair tant aux femmes qu'aux hommes qui liront ce message. Prenez soin de vous, essayez d'être autant au clair, avec vous même tant qu'avec vos interlocuteurs-trices. J'oublie probablement plein de détails, mais ce texte est déjà outrageusement long, bien que rédigé avec le coeur. Au plaisir de vous lire si vous souhaitez exprimer vos expériences. Alice

Dernière réponse le 29 avril
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Photo de AliceBrest
37 • AliceBrest
554 km • Transgenre
a publié ce sujet le 11 mars
Djinn30
56 • Djinn30
Un grand bravo et merci pour ce beau témoignage. Ta franchise est touchante et tes explications claires.Le tout sans faute d'orthographe (Mon Dieu d'où viens tu ? ) Que dire donc et que te répondre ? D'abord que ce que tu écris est tout a fait personnel et en ce sens unique (sans jeu de mot) car, pour avoir discuté avec des femmes du 3-ème sexe (pour moi tu fais clairement partie d'un autre sexe .... Ni homme, ni femme, ni un mélange...autre chose, qui te relie a la différence que tu ressens et fais de toi un cas unique de l'espèce humaine .. d'ou la difficulté à te faire rentrer dans les cases de la société et d'ou la difficulté à exister simplement dans notre monde) chaque cas est vraiment unique.Ce qui me frappe aussi c'est l'âge auquel tu te découvres femme (le passage ou tu ecris sur cette difficulté et cette souffrance est très "intéressant". On a comme l'impression que tu veux rattraper ce temps perdu et que du coup tu es en mode Turbo !. PRENDS TON TEMPS.
Le 21 avr
DouceduKB
52 • DouceduKB
Ouaou ! C'est un très beau témoignage en effet, je m'y retrouve complètement... Merci beaucoup pour ce partage. 🫶
Le 25 avr
Renart
56 • Renart
Bjr. Heureusement j'avais pas jeté mon dictionnaire Larousse. En fait je croyais que disphorie c'était un insecte qui mangeait les patates
Le 29 avr